28/04/2025

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Taoyuan, ville hybride

29/07/2017
Le Festival minnan célèbre l’héritage holo.
Photos aimablement fournies par la municipalité spéciale de Taoyuan
La ville de Taoyuan met en valeur son caractère multiculturel et ses projets de régénération du patrimoine.

La nostalgie flottait dans l’air en cet octobre 2016 dans les quartiers historiques de Taoyuan, municipalité du nord de Taiwan. Les habitants et visiteurs y célébraient la 16e Fête culturelle des villages militaires, un événement organisé sur une semaine et ponctué d’expositions, de projections de films, de dégustations culinaires, de visites guidées et de concerts, tous destinés à évoquer la vie des villages de garnison. C’est dans ces villages, appelés juancun [眷村] en chinois, que s’installèrent à la fin des années 40 à travers Taiwan la plupart des 600 000 soldats qui suivirent le gouvernement nationaliste après la défaite du Kuomintang sur le continent. Chaque village comptait alors jusqu’à plusieurs centaines de familles et formait une sorte de microcosme autonome sur le plan linguistique, culturel et social.
 
L’édition 2016 de la Fête culturelle des villages militaires avait cela de particulier qu’elle marquait aussi le lancement, par la municipalité spéciale de Taoyuan, du « projet du triangle de fer » destiné à réhabiliter et revitaliser trois villages de garnison : le nouveau village de Matsu à Zhongli, le 2e village de Sianguang à Guishan et le village militaire de Taiwu à Daxi.
 
« Il est urgent de sauvegarder ce qu’il reste de ces anciens villages, de leurs structures et de leurs traditions, dit Chang Hwei-lan [張惠蘭], professeur associé au département des beaux-arts de l’Université Tunghai, à Taichung. Ces lieux témoignent d’une riche diversité culturelle, leurs premiers occupants étant venus de différentes provinces de la Chine continentale. Ce mélange de dialectes, de cuisines et de modes de vie est assez unique et mérite d’être préservé. » Chang Hwei-lan, en charge des projets de « réutilisation adaptative » au nouveau village de Matsu, est née et a grandi dans un quartier similaire à Zhongli.
 
Au milieu des années 60, Taoyuan comptait 86 de ces villages accueillant les militaires et leurs familles, soit le plus grand nombre parmi toutes les divisions administratives à Taiwan. La majorité de ces sites ont depuis été démolis ou complètement transformés, mais quelques-uns ont été protégés.
 
En 2004, le ministère de la Défense a accordé à 13 villages de garnison un statut patrimonial. Les trois qui forment le « triangle de fer » sont aujourd’hui en train d’être convertis en centre créatif, en musée de l’immigration et en centre pour les arts.
 
Chuang Hsiu-mei [莊秀美], directrice générale des Affaires culturelles à la municipalité de Taoyuan, explique que ses services font de la restauration et de l’entretien de ce patrimoine une priorité. « La préservation et la revitalisation des bâtiments historiques et des villages militaires permettent aux visiteurs de mieux comprendre la vie quotidienne de ceux qui y ont vécu, tout en créant des lieux pouvant accueillir toute une série d’activités », dit-elle.
 
Le Musée du village des familles de militaires de Guishan est un exemple de projet réussi de reconversion d’un site. La structure qui abrite le musée avait été construite à l’origine, en 1988, pour accueillir les activités des habitants du lieu. Aujourd’hui, en plus d’exposer de vieux meubles, des photos anciennes, des ustensiles et divers objets ayant trait à la vie dans ce quartier, le musée accueille une large palette d’activités, dont des petits marchés, des concerts et des cours de travaux manuels et d’artisanat. Il est devenu un lieu touristique populaire.
 

Au moment de la Fête culturelle des villages militaires, des photos anciennes et des uniformes d’époque sont exposés. (Aimable crédit de la municipalité de Taoyuan)


Société en patchwork
 
La population de Taoyuan est très diverse, avec des origines à la fois holo (dont les ancêtres sont arrivés au fil des siècles depuis la Chine méridionale, le Fujian en particulier), hakka (dont les ancêtres ont migré vers Taiwan principalement depuis la province du Guangdong, en Chine), et autochtones (les aborigènes formosans, dont les ancêtres peuplaient l’île il y a déjà plusieurs millénaires). La ville, qui compte plus de 2,1 millions d’habitants, accueille environ 100 000 travailleurs migrants originaires pour la plupart d’Asie du Sud-Est.
 
« Nous respectons les cultures et les traditions des différents groupes. La diversité des origines contribue à la richesse culturelle de Taoyuan, dit Chuang Hsiu-mei. De ce fait, nous avons lancé des initiatives pour promouvoir la compréhension entre les cultures. »
 
Certains de ces projets reposent sur des structures pérennes, la municipalité disposant de services dédiés pour les affaires hakka et autochtones. De plus, des festivals se tiennent chaque année comme le Festival culturel hakka de Taoyuan et le Festival minnan, lequel célèbre l’héritage holo. La municipalité soutient aussi les cérémonies et rituels pratiqués par les différents groupes de population aborigènes présents sur son territoire. Ces événements sont généralement accompagnés d’expositions, et de spectacles et activités populaires.
 
Chuang Hsiu-mei précise que le service des Affaires culturelles collabore aussi avec ceux du Travail et de l’Aide sociale pour l’organisation d’événements à destination des travailleurs migrants d’Asie du Sud-Est. Par exemple, ils ont ensemble organisé dans l’ancienne gare de Taoyuan des expositions mettant en valeur les arts, les costumes, l’artisanat, la gastronomie, les danses et la musique d’Indonésie, de Thaïlande et du Vietnam.
 

L’antenne de Longgang de la Bibliothèque municipale de Taoyuan, à Zhongli, a l’allure d’un rayonnage de livres. (Aimable crédit de CTLU Architect & Associates)


Un impact durable
 
Ces efforts s’étendent au-delà des seules activités festives ou événementielles. Afin d’offrir un accès aux ressources culturelles tout au long de l’année, la municipalité gère différentes structures culturelles. La Bibliothèque publique de Taoyuan compte ainsi 33 antennes, lesquelles accueillent des cours, des expositions et des conférences couvrant divers sujets, en plus de leur mission d’accès à la lecture et aux matériels pédagogiques.
 
A Zhongli, l’antenne de Longgang est l’une des plus belles bibliothèques de tout Taiwan. Conçu par l’architecte Lu Chun-ting [盧俊廷], ce bâtiment vert est équipé de panneaux solaires et d’un système de collecte des eaux de pluie, alors que son extérieur ressemble à des rayonnages de livres. La structure intérieure utilise massivement le bois, avec des aménagements donnant presque l’impression de lire sous les arbres. Qui plus est, diversité culturelle oblige, la bibliothèque comprend une section proposant des publications importées de pays d’Asie du Sud-Est comme le Cambodge, l’Indonésie, la Birmanie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam.
 
Un autre lieu culturel majeur est l’Ecomusée des arts du bois de Daxi. Surnommé « le musée sans murs », il comprend un ensemble de bâtiments construits pendant la colonisation japonaise de Taiwan (1895-1945). L’essentiel du complexe est ouvert au public, même si certaines sections sont actuellement en cours de rénovation. Grâce à des expositions, des ateliers et la fourniture de guides audiovisuels aux visiteurs, l’écomusée met en valeur la tradition centenaire locale du travail du bois.
 
Implication des habitants
 
Des groupes d’habitants et des associations jouent un rôle décisif dans la promotion des arts et de la culture. C’est pourquoi le service dirigé par Chuang Hsiu-mei a cherché à renforcer sa coopération avec ces organismes.
 
En 2016, le Festival de land art de Taoyuan, qui s’est déroulé du 9 au 25 septembre dans les arrondissements de Bade et de Xinwu, s’est par exemple appuyé sur les communautés locales pour montrer la diversité de l’environnement artistique de la ville. Cette exposition de grande ampleur comptait pas moins de 37 installations en plein-air, et a donné lieu à des concerts, des représentations théâtrales et des visites guidées des quartiers environnants.
 
« Nombre des œuvres exposées ont été inspirées par les paysages de Taoyuan – étangs, rivage, écluses à marées – et créées par les artistes en collaboration avec la population locale et en utilisant des matériaux trouvés sur place, dit Chuang Hsiu-mei. L’événement s’est révélé être un succès, avec environ 900 000 visiteurs. » Avec l’implication des habitants, on s’attend à ce que ce festival deviennent un rendez-vous incontournable de la vie culturelle à Taoyuan, ajoute-t-elle.

L’installation Eternal Sea était l’une des œuvres-phares du Festival de land art de Taoyuan en 2016.
(Aimable crédit de la municipalité de Taoyuan)

 
La Fondation de Taoyuan pour la culture était l’un des co-organisateurs du festival de land art et a conçu à cette occasion des visites guidées des principales attractions de la ville : bâtiments historiques, musées, vieilles rues, temples et sites de tourisme industriel. « Nous avons l’ambition de promouvoir le patrimoine culturel de Taoyuan grâce à des visites guidées en profondeur, dit Phoebe Luo [羅碧霞], la directrice exécutive de la fondation. L’accueil chaleureux qu’ont reçu les activités proposées auprès des visiteurs montre l’attractivité de la ville. »
 
En mobilisant les habitants et les associations, la municipalité de Taoyuan est parvenue à braquer les projecteurs sur son offre culturelle. « Une des spécificités de Taoyuan est sa diversité culturelle qui contribue aussi au développement économique, social et touristique de la ville, dit Chuang Hsiu-mei. En misant sur notre diversité, nous voulons permettre aux visiteurs de faire l’expérience de la beauté et de la vitalité de notre ville, tout en enrichissant la vie de nos administrés. »

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